bulletin sek feps
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1 b 3 bulletin sek feps Une publication de la Fédération des Églises protestantes de Suisse Gros Plan L Église dans l Europe interculturelle 16 Églises en relation Appellations des Églises de la FEPS 29 Entretien Paul Widmer, ambassadeur auprès du Conseil de l Europe
2 2 SOMMAIRE/ÉDITORIAL SOMMAIRE GROS PLAN Entretien avec Michael Bünker, CEPE 3 Info: Glossaire 5 Entretien avec Rüdiger Noll, KEK 7 Info: Le Livre blanc sur le dialogue interculturel 11 Entretien avec Carla Maurer, FEPS/KEK 12 ÉGLISES EN RELATION Calvin09 le compte à rebours a commencé 14 Annonce d un colloque 15 Appellations des Églises de la FEPS 16 Conférence sur la Palestine et Israël, Berne 18 EAPPI Accompagnement œcuménique pour la paix au Proche-Orient 20 THÉOLOGIE ET ÉTHIQUE 60 ans de la Déclaration des Droits de l Homme 22 CONSEIL Mai 68 et les Églises 24 Le Conseil 27 SECRÉTARIAT Personnel 28 INTERVIEW Ambassadeur Paul Widmer, Strasbourg 29 Chère lectrice, Cher lecteur, Voilà qui est étonnant. En considérant de toutes les conversations sur le rôle de l Église en Europe, une conclusion s impose : c est précisément parce que l influence des Églises chrétiennes sur la société diminue qu elles prennent de l importance sur le plan politique. D une part, cette réduction progressive de leur poids dans la société leur enlève une grande partie du caractère menaçant qu elles représentaient autrefois. Elles n ont plus la capacité de mobiliser des foules. D autre part, la mondialisation jette sur les rivages de l Europe des gens très fortement marqués par la religion et provenant de pays qui n ont qu une connaissance superficielle voire inexistante de la laïcité. Ce qui provoque, chez les femmes et les hommes politiques, un sentiment d insécurité. Dans cette situation, ils et elles se tournent vers les Églises chrétiennes. En espérant que des gens religieux les aideront à mieux comprendre d autres gens religieux et à trouver avec ces derniers le ton qui convient. En outre, les Églises chrétiennes ont, en Europe, une expérience bimillénaire avec l État, car c est en parallèle et en discussion avec lui qu elles se sont développées. Il faut saisir la chance d assumer, également sur le plan politique, d autres responsabilités vis-à-vis de la chose publique : l Église n a pas besoin de continuer à s affliger de n être plus qu une voix parmi toutes celles qui composent le chœur de la société civile. Qu elle y prenne sa place avec courage sans s affoler lorsque l on conteste son point de vue. Monica Jeggli, rédactrice du Bulletin P. S. Juste avant la mise sous presse du Bulletin l Église Orthodoxe Russe a suspendu son affiliation à la KEK. bulletin sek feps Organe d information officiel de la Fédération des Églises protestantes de Suisse, Case postale, CH-3000 Berne 23, Téléphone , Fax , info@feps.ch, Parution 4 fois l an Tirage 6500 ex. en allemand, 1200 ex. en français Rédaction Monica Jeggli (moj), Simon Weber (SW) Graphisme /Layout Images medienpark, Zurich Traduction Roland Revet, André Carruzzo, Mariann Wolter Impression Stämpfli Publikationen AG Auteurs Thomas Flügge, Monica Jeggli, Florence Laufer, Frank Mathwig, Carla Maurer, Kristin Rossier Buri, Otto Schäfer, Theo Schaad, Christian Vandersee, Monika von Grünigen (appellations des Églises de la FEPS). Photos: «Eurofood» de Keiko Saile
3 b L ÉGLISE DANS L EUROPE INTERCULTURELLE 3 Photo: Evangelischer Pressedienst / S. Wagner Pour une Europe sereine, un «règlement intérieur» laïc Entretien avec Michael Bünker, secrétaire général de la CEPE, évêque de l Église luthérienne d Autriche Le secrétaire général de la Communion d Églises protestantes en Europe parle des protestants en Autriche, des relations entre la religion et l État en Europe et de l œcuménisme avec les orthodoxes. Il refuse l idée d une Europe vue comme «l Occident chrétien». Quelles sont les modifications du paysage religieux européen? Les paysages religieux vont être de plus en plus différenciés et pluriels. On assistera à une augmentation du nombre des personnes vivant sans religion, les gens qu on appelle des «athées par habitude», ou «athées au quotidien», et on ne sera plus automatiquement rattaché toute sa vie à une institution religieuse, à une Église, à une communauté de foi. Quels seront les effets de cette pluralisation sur l évolution future de l Europe? La pluralité risque de conduire à une perte d identité et de provoquer les craintes qui en découlent. Si cette évolution prend un tour négatif, cela entraînera une radicalisation de la religion et une accentuation de son caractère fondamentaliste. Il faut trouver les moyens de lutter contre cela. Que faire contre le développement du fondamentalisme? Le droit essentiel à la liberté de religion, sur le plan individuel et collectif, est d une importance capitale. Il ne faut pas permettre que ces droits religieux soient sapés par des forces politiques populistes, de droite et xénophobes. En même temps, il faut savoir regarder et aborder avec une totale franchise les problèmes consécutifs à la coexistence de religions diverses qui, en partie à cause des migrations, avaient jusqu ici été étrangères les unes aux autres. Je suis persuadé que le respect et la reconnaissance réciproques ne seront possibles qu en se fondant solidement sur
4 GROS PLAN Photo: Keiko Saile «Il ne faut pas permettre que ces droits religieux soient sapés par des forces politiques populistes, de droite et xénophobes.» des droits fondamentaux enracinés dans la laïcité, dont on déduira le «règlement intérieur» de l Europe. Les éléments essentiels de ce «règlement» sont la valeur universelle des Droits de l Homme, le pluralisme politique, la démocratie, l État de droit. Si les religions s accordent pour s engager en faveur de ce genre de «règlement» valable pour tous, elles seront les premières à en profiter, car elles auront ainsi donné la preuve de leur contribution positive à la coexistence pacifique. Quelle est la situation religieuse dans votre pays? L Autriche reste un pays majoritairement catholique. Les protestants représentent aujourd hui un peu moins de 4 % de la population. On appelle protestants les personnes appartenant aux Églises luthérienne, réformée ou méthodiste. Le protestantisme autrichien est fortement marqué par l histoire et les protestants ont tendance à regarder avec nostalgie vers le passé. Entre-temps, du fait de l immigration, il y a aujourd hui en Autriche plus de musulmans et même plus de chrétiennes et de chrétiens orthodoxes que de protestants. Mais ce qui augmente le plus vite, c est la proportion de la population qui se perçoit comme «sans confession religieuse». Dans quelle mesure l histoire a-t-elle marqué les protestants autrichiens? La Réforme a été puissante chez nous. À la fin du XVI e et au début du XVII e siècle une grande partie de la population était protestante, dans certaines parties du pays cela dépassait même les 90 %. Puis il y a eu une Contre-Réforme résolue, accompagnée de mesures de violence, qui, par des interdictions, des expulsions et par l émigration forcée, a radicalement réduit le nombre des protestants. Lorsque l empereur Joseph II, par l Édit de Tolérance de 1781, a accordé aux protestants le droit à l exercice privé de leur religion, il ne restait plus, sur le territoire de l Autriche actuelle, qu environ personnes professant le protestantisme. Ce n est que relativement tard, au cours de la seconde moitié du XX e siècle, que le rôle de cette minorité a pu être interprété et compris de façon positive. L Église protestante se perçoit elle-même comme «la ville sur la montagne», comme diaspora au sens positif du terme. Quelle est l attitude en Autriche par rapport au grand nombre de musulmans et d orthodoxes? La proximité avec des catholiques, des orthodoxes et des musulmans n a rien de nouveau pour les protestants autrichiens. La monarchie des Habsbourg se caractérisait par une grande diversité religieuse et culturelle. La coexistence de différentes religions et confessions chrétiennes n a pas toujours été facile, mais ce n est certainement pas cela qui a entraîné l échec de la monarchie. C est le conflit des nationalités qui a provoqué sa chute. La mémoire collective sait donc que des religions différentes peuvent parfaitement vivre ensemble et même contribuer de manière irremplaçable au respect et à la reconnaissance réciproques. Comment voyez-vous l avenir de l œcuménisme, avec les orthodoxes sur la scène européenne? Sur le plan européen, il importe de faire des distinctions. Les
5 b L ÉGLISE DANS L EUROPE INTERCULTURELLE Glossaire UE : L Union européenne (UE) a été créée en 1951, aprè deux guerres mondiales, par six pays pour garantir la paix en Europe par la coopération. Au terme d un long développement (traités, union monétaire, élargissement à l Est après la fin de la guerre froide), l UE compte actuellement 27 États membres. La Suisse a choisi la relation bilatérale avec l UE, avec laquelle elle entretient de bons rapports. Le Conseil de l Europe : Le Conseil de l Europe n est pas l UE. Cette institution a été créée dès 1949 et compte aujourd hui 47 États membres, parmi lesquels la Russie et la Turquie. La Suisse elle aussi est membre du Conseil de l Europe. En 1950, le Conseil de l Europe a donné naissance à la Convention européenne des Droits de l Homme et, quelques années plus tard, à la Cour européenne des Droits de l Homme (CEDH). Pour faire partie du Conseil de l Europe, un pays doit ratifier la Convention, s engageant ainsi à garantir ces Droits. CEPE : La Communion d Églises protestantes en Europe (CEPE) est une organisation qui rassemble presque toutes les Églises protestantes d Europe. Le document fondateur en est la Concorde de Leuenberg, qui date de 1973 et qui marque la fin d une période de plus de 450 années de division entre Églises luthériennes et réformées. Jusqu ici, 105 Églises, dans 29 pays, ont signé la Concorde de Leuenberg. Les Églises réformées de Suisse y sont représentées par l intermédiaire de la FEPS. Le siège de la CEPE est à Vienne. En outre, un collaborateur qui travaille à la Commission Église et Société de la KEK sert en quelque sorte de «succursale» à Bruxelles. Et enfin, avec Thomas Wipf qui en est le président, ainsi qu avec l attaché de presse, la CEPE est également présente dans les bureaux de Sulgenauweg à Berne. ( KEK (en anglais : CEC) : La Conférence des Églises européennes est une organisation qui compte environ 125 Églises membres dans toute l Europe, orthodoxes, protestantes, anglicanes et vieilles-catholiques. La KEK a été fondée en 1959 en tant qu organisation œcuménique indépendante des frontières. Le siège en est à Genève. Pendant la guerre froide, la KEK a joué un important rôle de passerelle Est-Ouest. Elle assure aujourd hui les relations œcuméniques dans l ensemble de l Europe et s investit en faveur de la solidarité et de la réconciliation sur ce continent. Avec la Conférence des évêques d Europe, la KEK a signé en 2001 la «Charta oecumenica», document fondamental de l œcuménisme en Europe,. ( Églises en dialogue (en anglais : CiD) : La Commission «Églises en dialogue» assure le dialogue théologique au sein de la KEK et est plus particulièrement chargée de faire avancer la communion entre les membres de la KEK. Église et Société (en anglais : CSC) : La Commission Église et société qui a commencé par être un organisme indépendant (EECCS) a été rattachée à la KEK en 1999 en tant que commission. Elle assure les contacts avec les institutions européennes et élabore des projets destinés à familiariser les Églises membres avec les thèmes européens. La Commission a ses bureaux à Strasbourg (représentant de la FEPS) et à Bruxelles. CEME (en anglais : CCME) : La Commission des Églises auprès des migrants en Europe examine la politique européenne sur les migrations, elle soutient les Églises et se fait l écho de leurs préoccupations. La CEME sera prochainement rattachée à la KEK.
6 6 GROS PLAN différentes Églises orthodoxes, par exemple celles de Grèce ou de Roumanie, n ont pas les mêmes intérêts. Elles ne forment pas un bloc monolithique. Plus précisément, vu d Autriche, le vécu avec les Églises orthodoxes dans l œcuménisme est essentiellement positif. Je pense ici à l enrichissement réciproque grâce aux traditions liturgiques, au sens d un œcuménisme spirituel. Je pense également au témoignage commun, comme le montre par exemple le document «Parole sociale du Conseil œcuménique des Églises en Autriche». Toutes les Églises membres y ont participé, et sur quatorze Églises, huit, soit plus de la moitié, étaient orthodoxes. Évidemment, il y a aussi des voix orthodoxes pour rejeter comme non chrétienne la culture occidentale et son ordre social reposant sur les Droits de l Homme basés sur la sécularisation. Il faut alors dialoguer avec patience et fermeté, car, faute de ce «règlement intérieur» laïc, c est-à-dire sans des droits de la personne valables pour tous, on ne parviendra que difficilement en Europe à une coexistence pacifique entre diverses religions dotées chacune d une prétention à la vérité absolue. Ne serait-il pas plus indiqué d avoir un dialogue approfondi sur le fondement théologique des Droits de l Homme? C est sans doute important. Mais il n y a que quelques dizaines d années que les Églises protestantes ont commencé à rechercher le fondement théologique des droits de la personne. La relation entre l État et l Église va-t-elle se modifier, en Europe? Du fait de la pluralisation croissante des religions et des conceptions du monde, la juridiction concernant les religions dans les pays européens se modifie plus ou moins profondément. Il y a toujours en arrière-plan une certaine conception des relations entre religion et État. La rencontre entre le pape Benoît XVI et le président français Sarkozy, et l échange qu ils ont eu à propos d une juste compréhension de la notion typiquement française de «laïcité», montrent bien que quelque chose est en train de bouger dans ce domaine. C est également le signe que l on ne voit plus la religion uniquement comme un problème, mais aussi comme une force positive. Il serait extrêmement souhaitable que la réinterprétation des rapports entre l État et l Église aille partout dans ce sens. Mais l élargissement de l UE fait bien apparaître que, sur ce point, il faut tenir compte des relations qui ont été engendrées par l histoire et qui ne sont pas reproductibles dans des contextes différents. C est pourquoi l UE fait preuve de sagesse en laissant à chaque pays le soin de la mise en forme juridique des relations entre la religion et l État. Quels sont les apports nouveaux dans le domaine des relations État-Église émanant des pays de l Est, nouveaux membres de l UE? Ces pays ont un autre vécu que les États de l Ouest. Après la chute du communisme, il a fallu organiser autrement les relations entre l État et l Église. En fait, cela se passe souvent de façon très ouverte et positive. Ainsi, en Serbie, tout s est très bien déroulé et cela a des conséquences intéressantes pour les minorités protestantes. Êtes-vous partisan d une entrée de la Turquie dans l UE? Avec les éléments dont nous disposons aujourd hui, il n est pas facile de répondre à cette question. Toutes les Églises protestantes n ont pas non plus un même avis sur ce sujet. Il y a bien des points qui sont en faveur de cette entrée, et bien d autres qui s y opposent. Ainsi, nos sœurs et nos frères chrétiens en Turquie* et en premier lieu le patriarche œcuménique de Constantinople sont pour cette entrée. Ils en attendent un allégement de leur situation et redoutent, dans le cas contraire, de se voir encore davantage marginalisés. À mon sens, il y a du vrai : une Turquie membre de l UE serait davantage poussée à veiller à la liberté religieuse et aux droits de la personne qu une Turquie qui prendrait ses distances par rapport à l Europe. C est pourquoi, aujourd hui, en gros, de façon tout à fait provisoire et avec prudence, j ai plutôt tendance à dire oui à l entrée de la Turquie dans l UE. En principe, il me semble que l idée d une Europe croissant «unie dans la diversité», comme on le dit de l UE, devrait permettre la participation d un pays musulman. Certes, l UE est essentiellement caractérisée par le fait qu elle se compose de pays marqués par le christianisme, mais ce n est pas un «club chrétien». Des protestants, précisément, ont, pour des raisons théologiques, de très fortes réserves à l égard de l idée d un «Occident chrétien». Et quelles sont ces réserves de la théologie protestante visà-vis d un «Occident chrétien»? C est une idée qui vient du romantisme catholique-romain du XIX e siècle. Propager cela de nos jours, ce serait se tourner vers le passé et cultiver la nostalgie. Pour les Églises protestantes, l Europe a toujours été un projet d avenir ouvert et accueillant. * Environ chrétiennes et chrétiens vivent en Turquie. En raison du génocide des Arméniens et de l expulsion des Grecs, la proportion de chrétiens dans la population turque est passée au cours des 90 dernières années de 30 % à 0,2 %. Interview réalisée par Monica Jeggli.
7 b L ÉGLISE DANS L EUROPE INTERCULTURELLE Photo: zvg Davantage de compétences dans un contexte œcuménique difficile Entretien avec Rüdiger Noll, directeur de la Commission Église et société de la KEK La KEK est la voix des chrétiens protestants, orthodoxes et vieux-catholiques en Europe. Comment s insère-t-elle dans les institutions européennes, qu attend l Europe politique des Églises et quelle sera l évolution de leur présence à l avenir? Quels sont les instruments dont disposent les Églises pour être présentes et pour se faire entendre sur la scène européenne? Le premier de ces instruments, ce sont nos bureaux de Bruxelles et de Strasbourg. Ce qui nous permet d être en contact permanent aussi bien avec les fonctionnaires des institutions européennes, qu avec les décideurs et les membres du Parlement européen ou de l Assemblée parlementaire du Conseil de l Europe. Pour pouvoir réellement influencer des décisions, il faut examiner les alternatives au bon moment et travailler dans les institutions avec la bonne proposition et si possible à l aide d un texte déjà prêt. Dans ce sens, le dialogue permanent, quasiment quotidien, avec les fonctionnaires et les membres du parlement est un élément décisif. Il faut savoir où en est exactement la discussion. Le fait que l Union européenne ne soit pas un bloc monolithique représente à la fois un défi et une chance. Les différents commissaires de l UE peuvent, au départ, avoir des points de vue très différents et la Commission européenne voir les choses tout à fait autrement que les regroupements au sein du Parlement européen. Il y a également, depuis quelques années, l instrument que sont annuellement les entretiens au sommet entre les responsables religieux et le président des institutions euro-
8 GROS PLAN Photo: Keiko Saile «Femmes et hommes politiques attendent de notre part que nous fassions entendre la voix de celles et ceux qui se trouvent repoussés en marge de notre société.» péennes. Ces conversation s sont importantes, d une part parce qu elles révèlent la fonction officielle des Églises et, d autre part, parce qu elles permettent d ouvrir la porte à la poursuite de discussions dans divers domaines politiques. De quels autres instruments disposez-vous? En troisième lieu, nous organisons deux fois par an conjointement avec notre partenaire catholique-romain, la COMECE, ainsi qu avec la Commission européenne un séminaire de dialogue sur des thèmes spécifiques. Le sujet de notre dernière rencontre était la «flexicurité». Certains secteurs de la Commission européenne souhaitent une plus grande mobilité et une plus grande flexibilité des salariés. Pour nous, les Églises, nous sommes d avis que tout cela comporte une dimension éthique très importante et c est pourquoi nous cherchons à en discuter avec les institutions. Il s agit de savoir comment des familles vont pouvoir vivre une vie commune si on ne sait plus très bien quel jour leurs membres ensemble en congé. Et il s agit de la protection des droits des salariés. Et, comme d autres parties de la société civile, nous avons la possibilité de prendre part à des procédures de consultation. Étant donné que toutes ces institutions ont une dimension internationale, nous pouvons aussi, et c est notre dernier instrument, nous adresser à nos Églises membres dans les différents pays pour leur indiquer ces évolutions en leur demandant d en parler avec les Gouvernements. En tant qu Église, nous sommes l une des très rares institutions, pour ne pas dire la seule, qui dispose d une organisation sur le terrain au niveau national, régional et universel. Les politiciens nous envient de pouvoir réunir ces différents niveaux. Comment? Dans l UE, tout finit par se traduire en textes juridiques. Lorsqu on y retrouve ses propres formulations, c est qu on a réussi. Par exemple, l UE a voulu imposer aux prestations de services sociaux des critères de concurrence, et même ceux du pays d origine des fournisseurs. Nous sommes intervenus pour dire qu à notre avis cela constituait une menace pour les normes sociales nationales et que, dans ces conditions, cela mettrait en danger la qualité de notre diaconie sur place. Nous avons ainsi obtenu que tous les services des Églises, dans les secteurs de la diaconie et de Caritas, ne soient pas soumis à cette directive. Et nous avons réussi, avec les syndicats et avec d autres, à faire échouer le principe du pays d origine. Est-ce que je me trompe en disant que vous intervenez essentiellement sur des sujets éthiques? Nous faisons un travail théologique et éthique et, grâce à notre réflexion et par le dialogue avec nos Églises membres, nous adoptons un certain nombre de positions politiques, par exemple en bioéthique ou pour les questions sociales. Mais, à Bruxelles et à Strasbourg, il ne faut pas rester sur ce terrain. Sinon nous risquerions de servir à apposer un label éthique ou religieux sur certaines politiques. Il nous faut énumérer tout ce que signifie l éthique sur le plan des actions pratiques et obliger les institutions européennes à en tenir compte. Nous sommes pour la paix et avant tout en faveur de la non-violence une intervention militaire doit rester la solution ultime. Mais qu est-ce que cela veut dire dans des situations concrètes de conflit, au Kosovo, en Géorgie?
9 b L ÉGLISE DANS L EUROPE INTERCULTURELLE 9 Souhaitez-vous faire des recommandations concrètes à propos des actions? Oui, et aussi proposer le soutien des Églises. Dans les débats sur la paix et la sécurité, on est frappé par le fait que les institutions misent énormément sur la puissance et les possibilités militaires. Les Églises ont un énorme potentiel en matière de solution et de prévention non militaire des conflits. Comment la présence des Églises dans les institutions européennes s est-elle développée? Actuellement, cette présence dans les institutions n est pratiquement plus contestée, elle est au contraire favorisée et appréciée. Je peux m en assurer grâce à divers exemples : dans la constitution de l UE on dit aujourd hui le Traité de Lisbonne il y a un article par lequel les institutions européennes s engagent à «un dialogue ouvert, transparent et régulier» avec les Églises. C est tout à fait nouveau, et c est le résultat de longues années de collaboration. En outre, nous avons depuis peu la rencontre annuelle au sommet avec les représentants religieux, dont j ai déjà parlé et à laquelle Thomas Wipf, président du Conseil de la FEPS, a d ailleurs également assisté. Malheureusement, trop souvent encore, les communautés religieuses, dans certains domaines, sont considérées comme faisant partie du problème et non de la solution. Les attentats terroristes y sont certainement pour quelque chose. Il est de notre devoir de montrer que les Églises et les communautés religieuses contribuent de manière positive à l intégration européenne et à la justice au niveau mondial. Qu attendent les institutions européennes des Églises? En premier lieu, elles attendent qu Églises et communautés religieuses pratiquent entre elles un dialogue courtois. Elles partent de l hypothèse que cela crée une condition essentielle de tolérance et de non-discrimination en Europe. Femmes et hommes politiques attendent toutefois également de notre part que nous fassions entendre la voix de celles et ceux qui se trouvent repoussés aux marges de nos sociétés. En troisième lieu, il existe toute une série de questions auxquelles on ne trouve plus de réponse, faute d une éthique suffisamment affinée. Les femmes et les hommes politiques espèrent que nous allons pouvoir engager avec eux sur un plan d égalité un dialogue éthique à propos de questions telles que celles-ci : «Où commence la vie et où se termine-t-elle?», «Quelles conséquences cela a-t-il pour la recherche sur les cellules-souches?». Les institutions européennes demandent également que les communautés religieuses soient rattachées à des organisations faîtières. Ces institutions ne sauraient pas comment s y prendre si nos 125 Églises membres se présentaient individuellement, et si 200 organisations musulmanes et 200 organisations israélites en faisaient autant. Pour nous aussi c est un problème de ne pas avoir affaire, du côté musulman ou juif, à quelque chose d équivalent à la Conférence des Églises européennes. Comment savoir précisément dans chaque cas avec quels partenaires il faut collaborer? Comment se présentent les relations avec les Églises orthodoxes? Avec l élargissement à l Est, ces Églises constituent un facteur de plus en plus important en Europe. Pour la KEK, collaborer étroitement avec les orthodoxes n est pas une nouveauté, ils en ont toujours été membres. Ce qui est nouveau, c est que les Églises orthodoxes reconnaissent l importance des décisions qui se prennent ici à Bruxelles, ou à Strasbourg. Ces Églises collaborent, à la KEK et dans sa Commission Église et société, sur presque tous les sujets. En outre, par leurs représentations individuelles, elles font connaître leurs intérêts nationaux. Il faut garder notre objectif, qui consiste, face aux institutions européennes, à parler autant que possible d une seule voix, même avec des nuances, et même si les procédures de vote entre les Églises sont de plus en plus compliquées. En 2008, le sujet «religion dans l espace public» a occupé une place centrale pour la Commission Église et Société. Quels projets avez-vous réalisés? Pour nous, ce genre de sujet est un cadre de réflexion. Nous souhaitions réfléchir à la façon dont nous voulons nous positionner vis-à-vis de la politique. Depuis des années, on entend dire que la religion régresse. En même temps, beaucoup de nos Églises ont l impression d être touchées par une sécularisation générale. Mais des études montrent que la sécularisation n augmente pas, il s agit plutôt d une espèce de décalage par rapport à la religion. Les gens ne se lient plus, ne s attachent plus durablement à une seule institution, ils tirent de plusieurs religions ce qui leur convient, ce qui donne du sens. Les problèmes sont totalement différents. Nous avons déjà débattu deux fois de ces questions avec des représentants qualifiés de nos Églises membres, en invitant des sociologues. Notre deuxième projet consiste à réunir pour la première fois les principaux juristes des Églises européennes. Nous voulons savoir si, en raison d une perception différente de la religion depuis les attentats terroristes de New York, la relation État-Église s est modifiée sur le plan juridique. Par exemple, il existe des pays où, après le 11 septembre 2001, on a abrogé le secret de la confession, dans d autres, on cherche à refouler les Églises dans la sphère privée. En même temps, on voit en France, pays marqué par la laïcité, le président Sarkozy souligner en présence du pape le rôle éminent de l Église. Comment voyez-vous l évolution de la KEK, dans l avenir? La «Conférence du futur» vient juste de se dérouler ; l an prochain, la KEK va célébrer son 50 e anniversaire à Lyon. Lors de cette Conférence du futur, à laquelle ont participé une centaine de personnes, il a été évident que les Églises ont besoin de la KEK pour se faire entendre ensemble à l extérieur. La KEK est également nécessaire comme organisation susceptible de découvrir quelles sont les tendances actuelles par exemple l attitude de l Église dans l espace public et d en discuter avec les Églises membres. Enfin, il s agit aussi d offrir aux Églises une plate-forme où elles peuvent échanger entre elles et s apprendre mutuellement quelque chose. L objectif doit rester le renforcement de l unité des Églises dans le témoignage et le service. D autres conclusions? À l occasion de la Conférence du futur, on s est en outre rendu compte que la situation de l œcuménisme était actuellement très difficile mais que, en même temps, dans cette situation, il y avait très peu d Églises qui souhaitaient transférer à la KEK une compétence quelconque. Ce sera là une question déterminante à Lyon : comment accomplir ce que
10 10 GROS PLAN les Églises attendent de nous si nous n avons plus l enthousiasme des débuts que l on a connu dans les années soixante ou septante? Comment continuer à faire fonctionner ces processus que l on attend toujours de nous si des Églises se replient sur elles-mêmes? Réfléchissons seulement aux compétences que les pays membres ont confiées à l Union européenne dans le domaine de la politique économique, du marché unique, de la politique agricole. La KEK ne dispose pas de ce genre de compétences. Nous sommes pourtant aussi une «conférence», pas un «conseil», et nous n avons pas de synode susceptible de prendre des décisions définitives. Et pourtant, il nous faut travailler à nous renforcer réciproquement en tant qu Églises en Europe face aux nouveaux défis, à nous soutenir dans nos démarches de renouvellement et de croissance spirituelle, et aussi à développer notre témoignage commun dans le service que nous accomplissons ensemble. Y a-t-il d autres évolutions qui soient prévisibles, à vos yeux? Les gens sur le terrain ne sont pas suffisamment associés aux processus d évolution en Europe. Il nous faut jouer un rôle important dans la mission consistant à rapprocher l Europe des citoyennes et des citoyens. Il y a aussi la mondialisation : les Églises d Amérique latine et d Afrique nous interpellent de façon de plus en plus radicale pour nous demander quelle est notre position par rapport aux développements économiques, au scandale de la pauvreté et de l exclusion dans le monde. Ce qui se décide dans nos capitales et au niveau européen a d énormes conséquences pour les gens en Amérique latine et en Afrique. Le dialogue entre les Églises des divers continents va s intensifier. Nous voulons également essayer de construire des ponts pardessus les fossés creusés par les conflits en Europe. En tant qu Églises, est-il possible que nous donnions un témoignage autre que celui de la confrontation entre la Russie et l OTAN? Les relations entre l UE et la Russie, entre la Russie et la Géorgie sont actuellement si tendues qu il n y a pratiquement plus de dialogue. L Église orthodoxe russe est l une de nos Églises membres les plus importantes. Nous envisageons par exemple en ce moment de débattre avec les Églises de la région du Caucase de ce que les Églises pourraient faire là-bas pour la paix et la réconciliation. Les institutions européennes ont manifesté un grand intérêt pour ce genre d initiative. Lors de la Conférence du futur, les conflits ont également constitué un thème majeur. En référence à la Charta Oecumenica de 2001, nous avons été une fois de plus clairement exhortés à mettre en place un instrument qui se chargerait des conflits entre Églises par exemple une commission permanente de conciliation. En même temps, il faudrait que les Églises puissent aussi, grâce à cette commission, servir la paix dans les conflits au sein de la société. Interview réalisée par Monica Jeggli «Il nous faut jouer un rôle important dans la mission consistant à rapprocher l Europe des citoyennes et des citoyens.» Photo: Keiko Saile
11 b L ÉGLISE DANS L EUROPE INTERCULTURELLE 11 Le Livre blanc du Conseil de l Europe Carla Maurer La coexistence pacifique exige davantage que le simple fait de vivre les uns à côté des autres. De nouvelles voies sont nécessaires à l Europe pour faire face à une diversité culturelle croissante. C est pourquoi le Comité des ministres du Conseil de l Europe a adopté en mai 2008 le «Livre blanc sur le dialogue interculturel». Cet ouvrage fait partie d une stratégie globale visant à promouvoir le dialogue interculturel dans la politique et la société des États membres. Le Livre blanc conçoit le dialogue interculturel comme «un échange de vues ouvert, respectueux entre des individus et des groupes qui ont des origines ethniques, culturelles, religieuses et linguistiques différentes». Pour le Conseil de l Europe, le dialogue interculturel constitue un instrument important pour enraciner dans tous les secteurs de la société ses valeurs fondamentales, qui sont les Droits de l Homme, la démocratie et la primauté du droit. Au cours d une large consultation, les pays membres et de nombreuses organisations ont eu l occasion de participer à l élaboration de ce Livre blanc. La Commission Église et Société y a également pris part et, à cette fin, elle a organisé parmi les Églises membres de la KEK une consultation interne avec la Commission des Églises auprès des migrants en Europe. Ayant reçu près de 80 réactions, les deux commissions ont élaboré une réponse commune de la KEK que le Conseil de l Europe a reçue avec grand intérêt et qui a influencé le contenu du Livre blanc. Pour les Églises, il est particulièrement intéressant de noter l accent mis sur la dimension interreligieuse du dialogue interculturel. Carla Mauer est chargée de la FEPS auprès de la commission Église et societé et societé de la KEK. Cinq approches d action politique pour promouvoir le dialogue interculturel Quelles sont les propositions du livre blanc pour la réalisation du dialogue? Sa stratégie repose sur cinq piliers : 1. Gouvernance démocratique de la diversité culturelle. Les pays sont exhortés à instituer un cadre neutre et démocratique pour garantir un dialogue ouvert, éventuellement avec l aide d un plan national d action («National Action Plan»). 2. Démocratie et participation. Il faut que tous les citoyens et citoyennes puissent prendre part à la vie publique. Au niveau local on a par exemple suggéré la constitution de «comités d intégration» et de «conseils des étrangers». 3. Éducation. L éducation est un élément central, pour toutes les tranches d âge, qu elle soit formelle ou informelle. L éducation aux Droits de la personne est essentielle le Conseil de l Europe propose sur ce sujet des ouvrages scolaires comportant des exercices pratiques tout comme la découverte d autres cultures par le biais d échanges scolaires, l apprentissage des langues étrangères et une vision diversifiée de sa propre histoire. On a également proposé concrètement d instituer dans les différents pays une Journée de mémoire de l Holocauste pour la prévention des crimes contre l humanité. 4. Il faut créer de nouveaux espaces de dialogue interculturel et utiliser ceux qui existent déjà (comme les Églises, par exemple). 5. Le dialogue interculturel au-delà de l Europe. Il faut envisager le dialogue interculturel dans un contexte mondial et réagir aux nouvelles tendances et aux nouveaux défis. Document d information sur le Livre blanc Dès sa parution, le document d information sur le Livre blanc sera envoyé aux Églises membres. Il sera également possible de télécharger le document après l Assemblée des déléguées (3. / 4.11.).
12 12 GROS PLAN Photo: Marie-Madeleine Linck En position stratégique au Conseil de l Europe Entretien avec Carla Maurer, représentante auprès de la KEK Depuis l an dernier, la FEPS a délégué une collaboratrice à la CES, à Strasbourg. Quel est le travail de Carla Maurer et quelle est, en ce qui concerne le dialogue interculturel, la signification pour les Églises du «Livre blanc» du Conseil de l Europe qui vient de paraître? Pour quelles raisons la FEPS est-elle représentée auprès de la KEK à Strasbourg? Pour la Fédération, l Église fait partie de la société et cette situation ne s arrête pas aux frontières nationales. Le président du Conseil de la FEPS est également le président de la Communion d Églises protestantes en Europe (CEPE) et membre du présidium de la Conférence des Églises européennes (KEK). Serge Fornerod, directeur du Département Églises en relation, fait partie de la Commission Église et société de la KEK. La participation de la FEPS à la KEK n est donc pas quelque chose de nouveau ce qui est nouveau, c est qu un membre de la FEPS fasse partie de l équipe de la KEK. L avantage, pour le protestantisme suisse, c est qu il est ainsi plus proche des sujets qui préoccupent l Europe. Du reste, la plupart des membres de l équipe sont, comme moi, délégués par des Églises membres. En quoi consiste votre tâche au bureau de la KEK à Strasbourg? Chacun des membres de l équipe a son domaine propre. Étant donné que mon poste n existait pas jusque-là, on m a confié des secteurs auxquels on avait déjà réfléchi, mais pour lesquels il n y avait pas encore de dossier structuré : il s agit en premier lieu des sujets relatifs au «dialogue interculturel» et à «l Europe des régions». Donc de la question de l influence réelle ou souhaitable des régions et aussi de la proximité par rapport aux citoyens. Je suis également chargée de m occuper de la question des «genres» (gender), c est-à-dire de ce qui touche aux relations hommes-femmes dans la société. En ce qui concerne ces thèmes, utilisez-vous le monitoring et le développement de stratégie? Oui, je suis de près les questions politiques et je m efforce en
13 b L ÉGLISE DANS L EUROPE INTERCULTURELLE 13 même temps de voir ce que font les Églises membres. Évidemment, c est assez difficile, car chaque pays et chaque région a des objectifs différents et les façons d envisager la politique régionale sont très diverses. En principe, nous sommes le bureau de liaison, c est-à-dire que nous apportons aux Églises les idées européennes et que nous communiquons à la politique européenne ce qui est en cours dans les Églises. Les Églises n ont pas le temps de s occuper de manière approfondie de ce qui se passe en Europe sur le plan politique. Mais il est essentiel de faire comprendre aux institutions européennes quel est le rôle et l importance du travail des Églises. Prenez-vous également position sur le fond? Au Conseil de l Europe, la Commission Église et société est accréditée en qualité d Organisation non gouvernementale (ONG). Nous participons aux divers groupes de travail où nous nous impliquons par des déclarations. Il se passe aussi beaucoup de choses sur le plan informel. En outre, nous sommes constamment invités à prendre position dans le domaine ecclésiastique et aussi politique, à faire des exposés ou à recevoir des groupes de visiteurs. Êtes-vous en collaboration directe avec les Églises membres? Oui, nous élaborons des projets avec les Églises membres. Nous les aidons à structurer les choses et à y penser, mais ce sont elles et les paroisses qui se chargent de la mise en œuvre. Ainsi, nous travaillons avec la Conférence des Églises riveraines du Rhin à un projet de dialogue islamo-chrétien. Un de nos collaborateurs allemands établit un inventaire de tout ce que les Églises de la région du Rhin ont entrepris et des difficultés auxquelles elles ont été confrontées. Nous évaluerons ensuite ces données pour pouvoir apporter notre aide à d autres Églises et à des paroisses en vue de la mise en place d un dialogue islamo-chrétien. Les Églises membres de la Conférence des Églises riveraines du Rhin ont également une grande expérience en matière de réconciliation, à la suite de la guerre. On peut se demander, par exemple, si cette expérience ne pourrait pas servir à d autres régions qui ont récemment connu des conflits. Comment cette collaboration se met-elle en place? Prenezvous directement contact avec les Églises? Parfois, c est nous qui prenons contact avec les Églises, d autres fois, ce sont les Églises. Il n y a qu un an que je suis à ce poste et je suis encore très occupée à nouer des relations. La diversité des types de vie des Églises en Europe est incroyable, on ne peut pas en présenter un schéma simple. Il faut arriver à percevoir la façon dont fonctionnent ces diverses Églises, sur quels sujets les interpeller, voir quels sont les thèmes qui les intéressent. À quoi ressemble le quotidien de votre travail? Nous sommes trois au bureau, deux membres de l équipe et une assistante administrative mais les gens avec qui nous travaillons sont tous ailleurs. Aussi la plus grande partie du travail se fait-elle par courriel et par téléphone. En principe, mon travail comporte deux périodes différentes. D un côté le quotidien au bureau, de l autre le quotidien des voyages «jetset». Septembre et octobre sont assez chargés en voyages, il y a beaucoup de conférences. Lorsque je ne voyage pas, j arrive au bureau à neuf heures. Je passe alors deux heures à lire. L information constitue la matière première principale de mon travail. Il faut que je m informe sur la politique conjoncturelle européenne, sur les sujets qui intéressent les collègues, les Églises membres et d autres organisations, et que j acquière autant de connaissances spécialisées que possible. Toutes les six semaines, nous allons rencontrer nos collègues dans leur bureau de Bruxelles. Quatre fois par an, c est la session du Conseil de l Europe. Nous participons chaque fois à la conférences des ONG et, avant les vacances d été, il y a une «inflation d apéros» on est sans cesse invités dans l un des grands jardins des ambassades. Après la pause de l été, nous rencontrons les ambassadrices et les ambassadeurs pour parler de projets et de stratégies. Le Conseil de l Europe a publié son «Livre blanc sur le dialogue interculturel», ouvrage auquel la KEK a participé (cf. encadré p. 11). Quel est l objectif de ce Livre blanc? Il s agit essentiellement de promouvoir, grâce à un dialogue approfondi, l enracinement des valeurs fondamentales du Conseil de l Europe État de droit, Droits de l Homme, démocratie. Le dialogue doit permettre d effacer les craintes. En font également partie, par exemple, les craintes suscitées par le style de vie européen, libéral, sécularisé, individualiste. Cela peut faire peur à des gens qui ont reçu une autre empreinte culturelle. Toutefois, selon ce livre blanc, le dialogue n est possible qu avec celles et ceux qui partagent les valeurs du Conseil de l Europe. Est-ce qu au fond il ne s agit pas surtout de la présence de plus en plus forte de musulmans en Europe? Il y a là aussi des gens qui ne partagent pas ces valeurs du Conseil de l Europe. Comment les intégrer, si on ne parle pas avec eux? Au cours du processus de consultation, les Églises ont déjà attiré l attention sur ce problème. Cette restriction soulève sans doute des questions pour les Églises. Où se situent les limites du dialogue? Il est clair qu il faut voir, dans toute cette discussion interculturelle, une réponse aux attentats du 11 septembre 2001 à New York. Ce qui a entraîné une modification de paradigme : le concept assez statique de la multiculturalité s est trouvé remplacé par la notion de dialogue interculturel. La multiculturalité envisageait une séparation nette en fonction des origines et favorisait une pensée compartimentée. On ne se parlait pas et on restait enfermé dans ses préjugés. L objectif de l interculturalité, c est un mélange culturel plus profond. Il s agit de détruire les préjugés grâce au dialogue. Que signifie ce Livre blanc, pour les Églises? Tout un chapitre y est consacré à la dimension interreligieuse du dialogue. L importance de la religion pour la coexistence pacifique en Europe y est présentée comme un fait. Cette façon de voir les choses est très présente dans le Livre blanc. Il faut alors que nous nous interrogions pour savoir ce que nous voulons, nous. Quel est l objectif des Églises dans ce dialogue? Les Églises ont toujours fait du dialogue interreligieux et interculturel, depuis le début. Le Livre blanc nous pousse à réfléchir à ce que nous réalisons déjà et si, en ce domaine, nous procédons de façon lucide et en fonction d un but précis. J ai fait une conférence au sein de l Église des Grisons et j ai suggéré aux gens de se poser pour une fois des questions tout à fait banales : à qui parlons-nous, en fait? Pourquoi est-ce que nous parlons à l un et pas à l autre? Est-ce qu il y une raison concrète, ou bien est-ce simplement par hasard? Il s agit de se demander avec qui nous cherchons le contact, mais aussi
14 14 CALVIN09 dans quel cadre ce contact doit s établir. Ainsi, il est fréquent que des représentants musulmans soient invités dans des locaux d église, ce qui fait que les uns sont des invités tandis que les autres sont les hôtes qui accueillent, et cela influence le déroulement du dialogue. Photo: Keiko Saile Quel usage concret va-t-on faire de ce document? Le projet principal du Conseil de l Europe consiste en une campagne contre la discrimination, ciblée sur les médias. On envisage des conférences et une formation aux médias pour les journalistes. L un des thèmes en sera la question des «genres» (gender) et également la religion. La rencontre annuelle entre le Conseil de l Europe et les communautés religieuses, qui a eu lieu pour la première fois cette année, se poursuivra. Pour les Églises membres de la KEK, une première mesure va consister en un texte d information sur le Livre blanc. Il faudra ensuite réfléchir aux projets à mettre en œuvre. Carla Maurer Carla Maurer, théologienne, est, depuis octobre 2007, représentante de la FEPS auprès de la Commission Église et société de la Conférence des Églises européennes (KEK). Année calvin09 : le compte à rebours a commencé Le 2 novembre, à l occasion d une conférence de presse, le public recevra des informations sur l année Calvin. Thomas Flügge Le travail avant le plaisir. Sur ce point, le personnage dont il sera question le 2 novembre, Jean Calvin, le grand Réformateur de Genève, risquerait probablement de froncer les sourcils sera l occasion de lui rendre hommage : le 10 juillet, il aurait eu 500 ans. Le Mur des réformateurs, au Parc des Bastions à Genève, non loin de la Faculté de théologie de l Université, est chaque année le lieu où se déroule la fête de la Réformation de l Église réformée de Genève. Cette année, le 2 novembre, cette fête se déroulera sous un signe particulier : l Alliance réformée mondiale et la Fédération des Églises protestantes de Suisse vont lancer l année internationale Calvin. Jusqu à l automne 2009, ce n est pas seulement l héritage calvinien qui sera au centre, mais aussi le réformateur luimême. Qu est-ce qui l a motivé? Que voulait-il? Où a-t-il été incompris? Et qu a-t-il encore à nous dire? La première pierre sera posée à l occasion d une cérémonie au Mur des réformateurs. Le pasteur Thomas Wipf, président du Conseil de la FEPS, y prendra la parole, ainsi que le président et le secrétaire général de l Alliance réformée mondiale, MM. Clifton Kirkpatrick et Setri Nyomi. Un débat aura lieu ensuite, avec une conférence de presse pour les journalistes. Il n y a pas qu au Mur des réformateurs ou au micro que des choses vont se passer, le 2 novembre, mais aussi sur Internet. La plate-forme internationale se présentera au même moment pour donner le signal du départ au Mur des réformateurs avec des fonctions nouvelles et des éléments interactifs. Thomas Flügge, chargé des relations publiques de la FEPS est, entre autres choses, responsable du site Internet calvin09.
15 b THÉOLOGIE ET ÉTHIQUE 15 L énergie, défi éthique Colloque du 6 novembre à Bâle Il n est pas toujours facile de mettre éthique et technique en relation, les problèmes ne sont pas les mêmes, pas plus que le langage ou le milieu. Mais il est important de favoriser cet échange car nous dépendons de diverses impulsions et compétences pour organiser le futur passage à l ère post-fossile. C est pourquoi, à l initiative de la FEPS, des représentants des Églises collaborent avec la Fachhochschule Nordwestschweiz (FHNW) à l organisation d un colloque qui se tiendra le 6 novembre 2008, de 12 heures à 18 heures, à Bâle. Outre la FHNW et la FEPS, l Église évangélique réformée de Bâle-Ville et son «Forum für Zeitfragen» sont impliqués dans cette préparation. Des experts appartenant aux domaines de la science et de la technique, de la politique et de l Église débattront des questions essentielles relatives au système énergétique du futur. On y présentera également l étude publiée cette année par la FEPS sous le titre «Éthique de l énergie». La participation est gratuite, et il est également possible de ne venir que pour entendre la conférence de l orateur principal, le professeur Eberhard Jochem, sur le thème «Wertewandel zu einer 2000-Watt-Gesellschaft» (Mutation des valeurs : vers une société à 2000 watts). On trouvera, dans le Bulletin 1/2008, une interview d Eberhard Jochem. Otto Schäfer est chargé d éthique à la FEPS. Lieu : Amphithéâtre de la Fachhochschule Nordwestschweiz, Peter-Merian-Strasse 86, Bâle. Inscriptions : Forum für Zeitfragen, Leonhardskirchplatz 11, Postfach, 4001 Bâle, Tél. +41 (0) , info@forumbasel.ch. Que la lumière soit! pages 16/17 Pour éclairer la confusion des appellations dans les Églises de la FEPS Un faux pas peut avoir des conséquences positives. Dans le numéro 4/2007 du Bulletin, dont le Gros Plan était «la consécration», nous avons, par erreur fait du président du conseil de l Église (Kirchenratspräsident) Ruedi Reich un président du conseil synodal (Synodalratspräsident). La fonction de «Synodalratspräsident» existe effectivement - sauf, justement, à Zurich. En outre, savez-vous comment s appelle l assemblée législative du canton des Grisons? Pour qu à l avenir vous puissiez vous déplacer avec élégance et sans faire de faux pas sur le terrain compliqué des Églises suisses, nous avons composé une liste comportant les appellations exactes et quelques autres informations intéressantes à propos de vos Églises sœurs. Nous espérons que ce tableau sera aussi pour vous un instrument de travail utile. Vous le trouverez sur les deux pages qui suivent, au milieu de ce bulletin vous pourrez donc le détache. Ou bien alors, imprimez-le vous-même : il sera à votre disposition sur notre page d accueil ( en document PDF. Monica Jeggli
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